lundi 5 février 2007

Orientations

Un cinéma contextuel direct d’intervention

Un parking sur les bords du Rhône où les objets suivent leur long cours, de main en main.

Deux dimanches par mois se déroule un marché aux puces où se réunissent un grand nombre de vendeurs, d’acheteurs et promeneurs. Tout ces gens sont un peu les mêmes, il n’y a pas de réels professionnels. Il s’agit de petits sous, une économie autonome, humble et sans intermédiaire. Ici presque rien n’est neuf, mais chacun y cherche son trésor, chaque objet est unique, il est sorti de sa série de production, il a sa propre histoire.

Nous sommes dans un espace temporaire autonome économiquement, sociologiquement, une sorte d’utopie précaire, populaire et nécessaire. Ou ceux de la France d’en bas savent accorder aux objets de la vie quotidienne et à la vie quotidienne des objets du merveilleux, alternative concrète à la standardisation et à l’uniformisation des modes de vies.



Note d’intentions


Le projet a pour ambition de mélanger des regards ; du politique au merveilleux,

l’intérêt est de suivre sur plusieurs saisons une activité humaine, d’en tirer un document riche de points de vue, de paroles, de tranches de vies. Etudier le lien social, le rapport à la consommation. Mais dans cette expérience collective il est question d’être au monde et plus particulièrement d’être aux choses, aux objets du quotidien. Ces objets sont des personnages centraux. Tout tourne autour d’eux, ils sont générateurs de mouvement et sont eux aussi en déplacement, ils vivent et font la vie, une vie de merveilles, de couleurs, de matières, de sons, de mémoires, etc.

Différentes perceptions dans un même espace, large et ouvert, d’un rituel social vers une poétique du réel.



Structure de narration


La forme de « l’îlot » comme zone délimitée et séparée du reste du monde. Fiction d’une autonomie temporaire et géographique. Ce pourrait être une histoire venue du passé ou une anticipation du futur. La vie de gens qui échappe à l’actualité. Des rescapés, des survivants.

Donc pas de relation à l’extérieur dans la réalisation du film. Pas de réflexion politique, mais une sensation du fantastique, une fable. Cette idée d’un campement de survivants après un cataclysme qui aurait fait s’effondrer le monde contemporain. Humains survivants, objets survivants. Ou alors résistants à une société totalitaire un peu a la manière des romans d'anticipation des années 60. Documentaire d’anticipation, fable du combat.



Une position éphémère

Mondialisation : commerce et plein air, le campement


Le commerce en plein air comme forme paradoxale d’une contemporanéité, occupation éphémère d’un espace par un groupe humain (réunion sociale) inscrit dans une actualité économique direct de la nécessité. Mais également appartenant à une sorte de nomadisme atemporel, par l’esthétique du campement.

Le campement donc comme forme-force a l’inscription historique paradoxale de l’être là (quotidien, présent, contemporain) et du déplacement dans les époques (nomadisme, non-historicité).

Deux exemples actuels de campement populaire qui s’extraient par leur position éphémère de la logique de progrès et de croissance (idéologie de l’historicité au quotidien, actualité) : le commerce en plein air (marché aux puces) et les rave parties. Libéré le présent de ces espaces établis. Zones d’autonomies temporaires, trouées d’être au monde dans la réification quotidienne de celui-ci.

Il est intéressant de faire cohabiter ces deux concepts de campement et de trouée, entre installation et ouverture, j’y trouve une attitude à adopté, une démarche artistique pour pré-occuper le réel mondialisé.



Extraits Deleuze et Guattari « Mille plateaux » p472, 473, 474, 475 :

« (…) l’espace nomade est lisse, seulement marqué par des « traits » qui s’effacent et se déplacent avec le trajet. ( …) Le nomade se distribue dans un espace lisse, il occupe, il habite, il tient cet espace, et c’est là son principe territorial. »

« la station comme processus (…) La terre cesse d’être terre, et tend à devenir simple sol ou support. »

« La variabilité, polyvocité des directions est un trait essentiel des espaces lisses, du type rhizome, et qui en remanie la cartographie. Le nomade, l’espace nomade, est localisé, non pas délimité. »

« (…)l’ absolu n’apparaît (…) pas dans le lieu, mais se confond avec le lieu non limité ; l’accouplement des deux, du lieu et de l’absolue, n’est pas dans une globalisation ou une universalité centrées, orientées, mais dans une succession infinie d’opérations locales. »





article paru dans le Dauphiné Libéré du 26/02/07:




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